"Le bonheur n'est pas un diamant gros comme une maison, c'est
une mosaïque de petites pierres dont aucune souvent n'a une valeur générale et
réelle pour les autres. Ce gros diamant, cette rose bleue, ce gros bonheur, ce
bonheur monolithe, est un rêve".
Alphonse KARR – Un voyage autour de mon jardin – 1845
Quelle jolie définition ! Je la fais
mienne !
Si toutes ces petites pierres
fabriquent un joli bonheur elles forment également de magnifiques mosaïques. Et
comme c'est moi qui tiens la plume, laissez-vous emmener vers le monde minéral, qu'ils soient
communs ou précieux, monochromes ou colorés, ces petits cailloux sont
tous chargés d'histoires, de savoir-faire et de beauté.
Le terme mosaïque vient du latin
"musiuum opus" qui désigne à l'origine les mosaïques qui ornaient les
grottes naturelles ou artificielles que les romains consacraient aux muses. Ces
lieux se nommaient "musaea", l'appellation de leurs décors devint
musiuum opus puis musiuum. Par extansion, le mot fut attribué aux mosaïques
murales puis à la technique dans son ensemble.
Réalisée avec de petits carrés de
matière dure la mosaïque est posée au sol (mosaïque de pavement), aux murs et
aux voûtes (mosaïque pariétale). Des petits cubes de pierre, de marbre ou de
terre cuite sont taillés. Déjà des pixels en somme ! Plus ils sont petits, plus
le dessin est précis, plus les dégradés de couleurs combinent des jeux de
lumière et d'ombre, des effets de profondeur, de perspective et de volume ce
qui faisait dire à Pline l'Ancien de la mosaïque qu'elle était "de la
peinture en pierre"
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Colombes - Maison de la mosaïque aux colombes - Pompéi |
L'art de la mosaïque traverse les
siècles et les continents. Après la conquête de la Grèce, les romains, grands
copieurs devant l'éternel, adoptent cette technique et la propage dans toutes
leurs provinces. La mosaïque pénètre dans tous les bâtiments, qu'ils soient
publics ou privés. Allant de simples dessins géométriques en noirs et blancs,
de motifs végétaux stylisés, des scènes mythologiques, tableaux de vie quotidienne,
natures mortes. On la rencontre en Gaule, en Germanie, en Angleterre, dans les
Balkans, dans le bassin méditerranéen et Proche Orient, en Afrique, en fait dans tout
l'empire.
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Chat attrapant un oiseau - Aile de la maison du faune, Pompéi |
Ainsi, de multiples exemples de
mosaïque sont aujourd'hui dévoilées au grand public et les chantiers
archéologiques ne cessent d'en révéler ici ou là. Car les mosaïques, à
l'inverse d'autres productions artistiques, ont particulièrement bien résisté
aux vicissitudes du temps, c'est ce qui en fait aussi leur particularité. Elles
semblent durables, inusables et éternelles. En pavement, elles étaient lavées à
grande eau et présentait une étanchéité certaine donc une protection contre
l'humidité, raison pour laquelle elles ornaient bassins et fontaines.
Si la mosaïque se définit comme
l'organisation d'une surface à décorer, elle est essentiellement liée à
l'architecture ; la pièce est son écrin. Ecrin à l'image de son propriétaire,
riche, cultivé, érudit ou voulant se monter comme tel, et reflet de ses
croyances et de ses goûts.
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Mosaiques de pavement dans leur contexte A gauche : Maison des griffons - chambre II A droite : reconstitution réalisée au Métroplitan Muséum of Art de New York (Source : fresques des villas romaines - Citadelles & Mazenod) |
Ainsi, les mosaïques deviennent
somptueuses, avec des éléments décoratifs extraordinaires, pour certaines
presque du 3D tant les volumes sont rendus magnifiquement par des dégradés de
couleurs. A travers les sujets évoqués, ces mosaïques nous racontent des
histoires, vie quotidienne, mythologie, ce sont de véritables bandes dessinées
pour qui veut les lire. On peut aisément illustrer ce propos avec le si célèbre
"cave canem" qui se suffit à lui-même.
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Cavé Canem - Maison du poète tragique - Pompéi |
Autre point qui me paraît remarquable
c'est la dimension de ces œuvres, les surfaces décorées sont souvent très
grandes, le nombre de tesselles est donc proportionnel, et chaque tesselle est
taillée ! Rendez-vous compte que la célèbre mosaïque ayant pour sujet la victoire
d'Alexandre le Grand sur Darius compte environ 2 millions de tesselles !
Impossible de ne pas songer au temps passé, aux gestes de chaque artisan. Je
n'ai malheureusement pas trouvé de renseignement quant à l'organisation du
métier de mosaïste à cette époque.
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La bataille d'Alexandre à Issos - Maison du Faune - Pompéi Dim. 5,40 m x 2,80 m |
Curieusement, ces mosaïques ne sont
pas signées. La technique de la mosaïque était-elle considérée comme un
artisanat ou un art mineur ?
Et pourtant, l'art de la mosaïque
traverse 6000 ans d'histoire pour arriver jusqu'à nous. Sous l'empire romain à
son apogée, elle s'étendra sur un territoire de 2 750 000 km2. C'est un
formidable reportage dont le titre pourrait être la vie sous l'Empire romain.
Un magnifique livre d'images ! Son histoire ne s'arrête pas là et nous aurons
l'occasion d'ouvrir plus tard un autre chapitre.
Sources :
- Encyclopédia universalis
- Pompéi – Erich Lessing – Antonio Varone
- TERRAIL
Et pour en
savoir plus sur la restauration des mosaîques :