mardi 16 juin 2015

MARIA STELLA !

Mes Maria !

Détail tableau 5



Il est des jours où la vie vous réserve de jolies surprises ! Pas besoin de chasser le trésor pour qu'il vienne à vous ! C'est peut-être bien qu'on le mérite ou qu'il vous choisit ! Présomptueuse, certes un peu me direz-vous !
On dit bien un Vélasquez, un Picasso, ben moi je dis un Maria, mes Maria !

Ainsi lors d'une brocante qui n'en avait que le nom, maussade et déçue, je mets le nez dans un carton, et tombe en arrêt devant un, puis deux, puis trois, puis quatre, puis cinq petits tableaux. Un véritable coup de cœur, totalement séduite ! Pas question de les laisser moisir. Prudente, j'en demandai le prix, persuadée que l'heureux possesseur allait m'en réclamer une fortune. Prête à n'en acheter qu'un seul et laisser à regret les 4 autres. L'idée du choix me torturait déjà ! Mais non, le propriétaire ricanant me proposait le lot à un prix tellement dérisoire que la honte ici m'interdit d'en dire plus ! Ils me parlaient tellement que les brader paraissait aussi incroyable qu'injuste. Et depuis, chaque jour, je les regarde sans cesser de les admirer, une véritable histoire de cœur !

Ils n'ont certainement de valeur que celle que je leur donne. Aucune cote au Bénézit, certainement zéro sur le marché de l'art, mais Maria, c'est mon illustre inconnue. Je ne sais rien d'elle, je n'en saurai probablement jamais rien, mais elle m'est précieuse et quel bonheur de sortir au grand jour sa peinture. Elle ne méritait pas de tomber aux oubliettes. La grande histoire et la petite, La grande peinture et la moins grande, les gens illustres ou pas...     Pour moi, pas de différence.

Détail - Signature de Maria
Art brut ou art naïf, je penche pour l'art naïf. Signés par Maria qui pose une étoile sur le I de son prénom, avait-elle des étoiles plein les yeux pour peindre ainsi ? Pourquoi peignait-elle ? Quelle est l'urgence qui conduisait son pinceau ? Quelles sont les histoires racontées par Maria ?

On entre dans ses tableaux, dans son monde, mais elle laisse la part belle à l'imagination de celui qui regarde. Chaque toile est une porte ouverte, une invitation aux rêves du spectateur, d'ailleurs ses personnages ne sont jamais limités ou cadrés par la toile. De grands yeux, de grands sourires, des pommettes rondes, des mains de trois ou quatre doigts, tels sont ses personnages.


Tableau n° 1
27 cm x 35 cm
1 - Trois personnes sur ce tableau. Sur la gauche, une femme ornée de boucles d'oreilles et d'un turban bleu. Elle occupe la majeure partie de l'espace. A sa droite en bas un deuxième personnage, probablement une femme coupée sur le côté droit, son apparence est moins joviale. Un troisième personnage à droite, non pas de face mais tourné d'un ½ tour, sans cheveux. Est-ce un bébé ? Les trois personnages sont-ils à trois âges de la vie ? Reflètent-ils les sentiments qu'elle a pour eux ? Libre à chacun d'inventer son histoire.


Tableau 2
27 cm x 35 cm

2 - Un soleil, et deux personnages se tenant par la main, non pas de façon verticale mais avec une inclinaison ; ils se trouvent sur une sphère. Trois doigts à chaque main. Les chaussures du personnage de gauche comportent un petit talon, mais le pied reste horizontal. La deuxième personne présente son corps de profil, sa tête est de face. Est-ce bien important ? Encore une fois, l'histoire prime, le charme opère !

Tableau 3
33 cm x 41

3 - Deux personnages ravis d'être dans les airs, voyez la position des bras. Sont-ils dans de souriants chaudrons ou autre objet ? Le plus proche est de taille plus importante que le plus éloigné, un peu tronqué sur la gauche. Trois doigts, quatre doigts, qu'importe ! On est heureux de se balancer !



Tableau 4
27 x 35 cm

4 - On vole dans une fleur, un oiseau de profil, un avion. Accompagné par un troisième personnage tronqué sur la gauche, juste la tête, mais que fait-il là ? L'histoire encore une fois ne s'arrête pas là !

Tableau 5
27 cm x 35 cm
Pas de personnage, mais deux animaux en premier plan, chiens, dromadaires ? De profil ou de face ? Chacun choisit ! Au loin, un palmier et deux constructions orientalisantes. Un soleil. Une nouvelle histoire ; et Maria nous emmène en voyage !

Un univers très coloré, plein de vie et d'imagination. Sa signature pourrait-on dire, ses fonds très travaillés parsemés de petits ronds et de taches de couleur, accentués par des traits fins souvent blancs comme un travail de gravure. 

détail des fonds
On pourrait penser à une étude pour textiles
Ces tableaux m'enchantent, j'y trouve poésie, humour, une ingénuité et un imaginaire très personnel. Son monde semble simple et joyeux. Semble car j'ai tenté de chercher ce qui pouvait se cacher derrière cette simplicité, mais je n'y ai rien trouvé uniquement l'envie de voir à travers les yeux de Maria et pas plus.


Un parfum d'innocence, une singularité propre et surtout une extraordinaire liberté, voilà ce qui m'attache à mes Maria. Il aurait été trop triste de les laisser pourrir au fond d'un carton. Et finalement n'est-il pas mieux d'aimer une œuvre dont on ne connait pas l'auteur, rien ne vient parasiter le regard qu'on lui porte. 



Illustrations issues d'une collection personnelle. Tous droits réservés.

mardi 2 juin 2015

Backstage d'un stage !

Il y a quelques semaines, j'ai délaissé mon écran avec bonheur pour rejoindre un stage de laque pendant 5 jours.

Il est long le chemin de la laque ! Parfois parsemé de doutes, de découragements dans la solitude de son atelier. Pas facile de travailler seule quand on débute.

Alors, il y a les stages. Des respirations, des inspirations, nos petites pendules que l'on remet à l'heure, un plein d'énergie pour toujours continuer. Les stages, que du bonheur !

Panneau réalisé lors d'un précédent stage


Un stage oui, mais pas n'importe lequel, un stage avec Isabelle Emmerique, artiste laqueur et Maître d'art, qui reçoit une dizaine d'entre nous dans son atelier de Colombes. Isabelle dispense avec une grande simplicité et une grande générosité son savoir-faire, son expérience, teintés d'exigence, de passion, sans oublier l'humour. Pendant ces quelques jours à son contact, on a toujours l'impression que la laque est un "possible", le voyage ne nous est pas interdit, même s'il est ardu ! Quelques-unes de ces œuvres aux murs de l'atelier nous en indiquent le chemin. Nous en mesurons la distance. Mais la bienveillance est là et Isabelle est un passeur…. (Je devrais écrire "passeuse" mais le mot sonne moins bien à mes oreilles !)


Panneau réalisé lors d'un précédent stage

Et puis, il y a les copines. Celles avec qui nous allons à ce stage, les copines que nous retrouvons de stage en stage, et les nouvelles copines. Et toujours le fil que tisse ces rencontres ; la laque. Pour certaines une découverte, pour d'autres un perfectionnement. Certaines sont des artistes confirmées, d'autres n'ont aucune formation artistique. Il y a là, des jeunes, des moins jeunes, des moins moins jeunes, mais la plupart avec la conscience aiguë que ces quelques jours vont compter, qu'une porte va s'ouvrir vers un impérieux voyage.

Le décor est planté ? Pas tout à fait, qu'allons-nous apprendre pendant ces quelques jours ? Nous allons travailler simultanément sur deux panneaux. Le premier a une forme d'éventail, le second est rectangulaire (50 cm x 18), ces deux supports ont été préalablement apprêtés, colorés et vernis. Le thème de ce stage était le cycle de la nature, soit les 4 saisons. Après quelques recherches nous avons composé et reporté sur chacun des panneaux notre dessin. Les éléments des décors sont traités en posant de la feuille d'or, (or rouge, or jaune, or vert, paladium) des jeux de cache, des poudres fines bronze ou aluminium, des aventurines (poudres de métal).

Panneau après la pose du 1er vernis


Calque et travail en cours

En dernier lieu, les repiqués qui consistent à redessiner, souligner ou séparer les motifs par un trait, le plus fin possible. Ce trait se fait en deux temps : d'abord au pinceau chargé de peinture à l'huile rouge mélangée à du vernis. Une fois le degré de séchage convenable, on y applique de l'or en feuille. Exercice périlleux vous l'imaginez ! Deux difficultés : tracer correctement son trait et bien estimer le temps de séchage de la matière. Ce travail ne se fait pas sans quelques exercices, évoqués lors d'un précédent billet et dans l'atelier, pas un bruit, si ce n'est quelques bruyantes expirations ; certaines retiennent leur souffle ! Nous terminons par le repiqué noir, un trait noir, sans pose d'or. Et voilà nos panneaux qu'il ne reste plus qu'à vernir.

Panneau après la pose du 1er vernis

Panneau après la pose du 1er vernis

Chaque stagiaire, du néophyte au confirmé, a été jusqu'au bout de son travail, en cinq jours et le résultat est toujours bluffant ! Un stage de qualité, mené d'une main de maître... de maître laqueur bien sûr !

Cerise sur le gâteau, Sasai Fumie, artiste laqueuse japonaise, en France dans le cadre d'une exposition de ses œuvres à la Galerie MIZEN invitée par Isabelle, a passé un moment avec nous, commentant nos travaux avec gentillesse et simplicité. Exceptionnel moment d'échanges.


Bel univers que le monde de laque ! Et pour le découvrir :