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Trois pastels - 10 cm x 10 cm |
Il était une
fois une jolie fleur jaune cousine de la moutarde ; l'Isatis Tinctoria. Elle poussait à foison essentiellement
dans notre pays de Cocagne, aujourd'hui le midi toulousain. Bien que celle-ci fût
de couleur jaune, ses feuilles donnaient un beau bleu : l'indigo, qui fit la
fortune, puis l'infortune des cultivateurs, des teinturiers et des négociants
de la région, tant il est vrai que rien n'est jamais acquis dans ce bas monde !
Hélas, au 16ème siècle
venu du nouveau monde par bateau, l'indigotier ou fleur d'Inde, abondant et bon
marché supplanta notre belle Isatis qui finit par s'étioler. L'industrie de
l'or bleu était en ruine !
Rien n'y fit, même pas l'édit de
notre bon roi Henri IV qui non content de s'occuper de notre poule au pot
dominicale, s'intéressa à notre belle Isatis en décrétant punir de la peine de
mort quiconque emploierait l'indigo cette "drogue fausse et
pernicieuse". Le "made in France" était né, un peu violemment
sans doute !
N'empêche, la raison économique,
déjà l'emportant sur toutes autres considérations, ladite Isatis disparut de
nos contrées ; l'extraction de l'indigo était une opération fort longue et très coûteuse.
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La nouvelle maison rustique - 1775 Tome I - Document personnel |
Comme je l'ai déjà dit, rien
n'est jamais stable en ce bas monde et bientôt la chimie s'en mêla. Notre belle
Isatis Tinctoria ne put rivaliser avec les colorants de synthèse.
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La nouvelle maison rustique - 1775 Tome I - Document personnel |
Mais j'aime les jolies fins et
notre histoire rebondit encore une fois : d'aucuns aujourd'hui remettent au
goût du jour notre précieuse Isatis. Ce joli bleu pastel est de nouveau le
fleuron d'une région, ainsi dit-on du "bleu de Lectoure".
Notre fleur de pastel, lors de
son exploitation par les teinturiers, laissait sur le bord des cuves une écume
appelée "fleurée bleue". De cette écume sont issus les pigments bleus
utilisés pour la fabrication des bâtonnets de pastel. Par extension, nos bâtons
de pastel deviennent de toutes les couleurs. Il semblerait que la première
recette de fabrication date de 1574.
Saintin François JOZAN (1797 -
1867) Peintre, professeur de dessin et de peinture nous en donne plusieurs
recettes dans son ouvrage : "Du PASTEL – Traité de sa composition, de sa
fabrication et de son emploi dans la peinture" – Paris 1847 – http://books.google.com
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Pastel de Saintin François Jozan d'après une oeuvre de Edouard Magnus - Peintre allemand (1799-1872) |
De même A.L. MILLIN – Dans son
dictionnaire des beaux-arts – tome III – De l'imprimerie de Crapelet à Paris
chez Desray libraire – 1806 – http://books.google.com
nous donne la définition suivante :
"C'est une peinture où les
crayons font l'office des pinceaux. Le mot pastel vient de ce que les crayons
dont on se sert sont faits avec des pâtes de différentes couleurs. Pendant que
la pâte est molle, on donne à ces espèces de crayons la forme de petits
rouleaux aisés à manier. C'est, de toutes les manières de peindre, celle qui
passe pour la plus facile et la plus commode en ce qu'elle se quitte, se
reprend, se retouche, et se finit quand on veut."
Il nous dit également : " La
peinture au pastel est plus fraîche, plus gaie que la peinture à l'huile, elle
répond au goût de l'époque pour le petit, le délicat, le badin, le léger".
(Nous sommes au 18ème siècle âge d'or du pastel).
Et de conclure cette promenade
autour du pastel par ce joli poème :
"Les crayons mis en poudre imitent les couleurs,
Qui dans un teint parfait offrent l'éclat des fleurs.
Sans pinceau, le doigt seul place et fond chaque teinte,
Le duvet du papier en conserve l'empreinte,
Un cristal la défend ; ainsi, de la beauté
Le pastel à l'éclat et la fragilité".
Henri Watelet (1717 – 1786)
Peintre et homme de lettres.
Poème mis en exergue sur le
traité de S. F. JOZAN cité plus haut.
Pour en savoir plus :
http://www.latelierdescouleurs.net/article-le-pastel-des-teinturiers-isatis-tinctoria-117341037.html